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Le jour où les enfants partent...


La joie et la fierté de voir ses enfants s'installer dans la vie n'empêchent pas la nostalgie, voire une réelle tristesse et un sentiment de perte. Il faut réapprendre à vivre pour soi.

C'est souvent dans la chambre que survient le choc. Le joli cocon du bébé était devenu une tanière d'adolescent, et voilà que l'oiseau s'est envolé. "Cela n'avait rien d'une surprise, on l'avait aidé à déménager dans un petit studio", raconte Béatrice dont le fils de vingt ans a trouvé un premier emploi à 100 km de la maison. "Mais je ne l'ai vraiment réalisé que quelques jours plus tard, quand je suis rentrée dans sa chambre pour passer l'aspirateur : elle était rangée !" Damien avait emmené ses posters, sa grosse couette multicolore, sa collection de mangas... "et j'ai pleuré parce qu'il n'y avait plus de chaussettes par terre" admet Béatrice.

Le "syndrome du nid vide"

On a beau se répéter qu'on "ne fait pas des enfants pour les garder pour soi". On les a accompagnés, des premiers pas au permis de conduire, à devenir des adultes indépendants et responsables. Il n'empêche que le jour où cet objectif se réalise, de nombreux parents se sentent abandonnés. Cette étrange sensation, qui va de la nostalgie passagère à une véritable déprime chez certains, a été baptisée "le syndrome du nid vide". Il survient quand la "décohabitation" est actée. Le jeune s'installe dans son propre "chez soi" à cause des études, du travail ou pour vivre à deux. "Tant qu'elle rentrait tous les week-ends avec son linge sale, ça allait", regrette Marie dont la fille est partie étudier à l'étranger, sans certitude de rentrer à Noël. "Mais pour cette rentrée, je craque un peu", reconnait-elle. Pour la psychologue Béatrice Copper-Royer, auteure de "Le jour où les enfants s'en vont", cet état d'âme fait écho au "baby blues" qui survient juste après la naissance. Le "syndrome du nid vide" marque aussi un tournant. De la même façon, une étape de vie est franchie dans la famille, une époque est révolue et cela implique un petit travail de deuil. Reste que la page n'est pas toujours simple à tourner. Dans le silence de la maison, nombre d'habitudes et d'obligations se sont évaporées. Les lessives et la liste des courses se sont réduites d'un coup. Cette disparition des rituels provoque une perte de repères qui peut créer une sensation de vacuité. Et celle-ci est d'autant plus forte que les enfants partent souvent plus loin qu'autrefois, pas seulement dans la commune voisine. Mais cette sensation est aussi directement liée à la place qu'ils ont prise dans nos existences. D'après le baromètre Ipsos Kinder de février 2019, 92% des parents français affirment qu'il n'y a pas de plus grand succès dans la vie que d'être un bon parent. L'enfant a rarement été aussi (sur)investi qu'à notre époque. Ainsi, on a du vague à l'âme quand le bébé d'1m80 fait ses cartons.

Que reste-t-il de soi ?

Mission accomplie, que reste-t-il de nous ? La question se pose avec encore plus d'acuité à ceux qui ont élevé leur enfant seul, tout comme à ceux, et surtout celles, qui ont arrêté de travailler pour s'en occuper. Et elle survient à des âges charnières : la ménopause et ses éventuels tourments pour les femmes, l'approche de la retraite, le vieillissement des grands-parents. Quand il s'ajoute à d'autres soucis, le "syndrome du nid vide" peut conduire à un état dépressif. A fortiori à l'automne quand les jours raccourcissent, ce qui n'aide pas à garder le moral. Il ne faut donc pas hésiter à se faire aider en ces circonstances. Une thérapie brève, en face-à-face par la parole, une PNL (Programmation Neurolinguistique) ou une thérapie d'acceptation et d'engagement (dite ACT), peut aider à franchir ce cap en douceur. D'autant qu'il faut parfois le faire à deux. Le départ de l'enfant remet bien souvent le couple en tête-à-tête. Certains s'enchantent de se redécouvrir et de pouvoir profiter ensemble d'une liberté retrouvée. D'autres ne peuvent plus se cacher qu'ils ne se parlaient plus, voire qu'ils n'ont plus rien à se dire. Parfois cela passe, mais de plus en plus souvent, ça casse : d'après l'Institut national d'études démographiques (INED), le pic des divorces et séparations se situe entre 50 et 59 ans. Mais que ce soit seul ou à deux, le blues du nid vide s'estompe d'autant mieux que l'on s'autorise enfin à s'occuper de soi, à forger de nouveaux projets et à profiter des belles années qui restent. Pour ce qui est des enfants, comme dit le proverbe, "on ne peut leur donner que deux choses : des racines et des ailes". Garder des liens forts

"Mes chers parents je pars, je vous aime, mais je pars"... Tout est dans la chanson de Michel Sardou. Quand le jeune quitte la maison sur une note positive, pour étudier ou travailler, il n'y a pas eu de conflit et donc pas lieu de craindre une rupture des liens. Reste que ceux-ci vont néanmoins se remodeler et que l'on peut s'épargner quelques erreurs et malentendus. Du côté des parents qui ont tout fait pour le protéger jusque-là, il est difficile d'éviter une certaine anxiété. Mais "il ne s'enfuit pas, il vole"... il faut donc se décider à le lâcher. Ne pas abuser des moyens de communication actuels, smartphones, réseaux... pour chercher à rester présent à tout prix et à tout savoir de sa vie. Il suffit de signaler qu'on est là en cas de besoin et de le laisser faire ses choix. Eviter de les culpabiliser Attention aussi aux petites phrases, parfois involontaires, qui peuvent instiller un malaise dans la relation : "Toi aussi, tu m'abandonnes !", "Je ne sais pas ce que je vais faire toute seule". Ces remarques, même sur le ton de la blague, sont culpabilisantes pour le jeune adulte. D'autant que lui aussi a bien souvent le cafard et une légère frousse de quitter la maison. Enfin, les parents n'ont pas à brandir leurs "sacrifices" passés afin de lui créer des obligations. Anxiété, culpabilité ou dette affective ne sont pas des bases saines pour accéder au bonheur d'être le parent d'un jeune adulte, une nouvelle étape qui va durer aussi un certain nombre d'années.


Source : Christine Baudry - Le Télégramme

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